Ma pratique du pacing
C'est quoi le pacing ?
Après avoir obtenu un diagnostic de Covid Long ou d'EM/SFC, il est très probable que l'on vous recommande de gérer votre vie quotidienne avec le "pacing". Mais qu'est ce que c'est exactement ?
Le pacing, qui pourrait se traduire en français par "rythmer", est une stratégie de gestion de l'énergie qui consiste à alterner les phase d'activité avec des phases de repos afin de limiter l'augmentation des symptômes (officiellement appelée Malaise Post-Effort ou MPE). Ça a l'air simple en apparence, mais si vous le pratiquez, vous savez combien c'est difficile.
Ce concept est très important et il est nécessaire à la guérison. Mais j'aimerais vous montrer dans ce post qu'il y a plusieurs façons de le pratiquer.
Dans le domaine sportif, on sait que la récupération est nécessaire après un entraînement afin de progresser.
Dans l'agriculture, on pratique la jachère : mettre les sols au repos pour qu'ils se régénèrent après des cultures intensives.
Le vivant a toujours besoin de cycles, même lorsqu'il est en bonne santé. C'est ce qui rend la vie viable à long terme.
Ma première expérience avec le pacing
Spoiler : pas terrible 😅
Au début de mon parcours, j’ai appliqué les règles du pacing "strict".
- Évaluer mon enveloppe d'énergie (aussi appelée "baseline")
- Quantifier l'énergie requise pour chaque activité
- Planifier mes journées / semaines avec les phases d'activité et de repos
- Utiliser un minuteur et stopper toute activité en cas de symptômes
- Consigner mes symptômes dans un journal et identifier les activités "fautives"
Voici un aperçu de mes archives !


Cette approche très structurée montre de bons résultats chez certaines personnes. Si cela fonctionne pour vous et que vous vous sentez bien avec la méthode, c'est parfait ! Mais pour moi, le résultat a été assez catastrophique. 😅
Cette approche a renforcé mes schémas destructeurs : hyper contrôle, hyper vigilance, peur de l’échec, culpabilité, et surtout, anxiété. Au lieu de m’aider, elle a aggravé l'état d'alerte de mon système nerveux, et mes symptômes ont globalement augmenté.
Le narratif dominant selon lequel on peut "endommager ses capacités de manière définitive" a aussi été nocif pour moi : quand le droit à l'erreur n'existe plus, comment continuer à vivre... ? Ce discours terrifiant ne m'a pas aidée, car le stress en lui-même aggrave objectivement cette maladie.
Une forme de pacing reste cependant nécessaire, à la fois pour stabiliser son état et pour progresser. La bonne nouvelle, c'est qu'il y a d'autres façons de le pratiquer, peut-être plus adaptées pour des personnes très anxieuses.
Ma pratique adaptée du pacing
Mon approche est désormais orientée vers la sécurité et la progression plutôt que vers la gestion des symptômes. Elle est basée sur l’écoute de mon corps, l'intuition et le bon sens.
J'ai arrêté de planifier mes journées en détails, et fortement réduit le suivi (des symptômes, du rythme cardiaque, du temps passé...).
- Chaque jour, je laisse mon corps et mon intuition me porter dans les activités que je me sens capable de faire, sans excès, mais sans anticiper la catastrophe.
- Si les symptômes augmentent : je les accueille, je ralentis et je m'octroie du repos et de la régulation.
Rester dans l’instant présent et ajuster en temps réel ne génère plus d'anxiété : c’est une acceptation naturelle de mes limites du moment, et cela signale à mon cerveau que je suis en sécurité. Cette forme de pacing a créé pour moi un cercle vertueux qui me permet de progresser.
Plus de détails sur mon processus dans cet article.
Modifier mon dialogue intérieur quand j'ai des symptômes a aussi été extrêmement bénéfique.
Je n'utilise plus les mots "crash" ou "MPE" (malaise post-effort). Ils sont lourds de sens et culpabilisants. Je préfère parler de "creux" ou de "périodes d'ajustement".
Je n’interprète plus mes symptômes comme une punition. Lorsqu'on commence à faire des progrès, il est normal et inévitable de passer par des phases un peu plus symptomatiques. Ils font partie intégrante des cycles de progression.
- Au lieu de dire : "J'en ai trop fait aujourd'hui, c'est de ma faute. 😣",
- je préfère : "J'ai fait de super activités ! Mes symptômes sont là temporairement. Je m'offre du repos et de la régulation. 😌"
Mais alors, comment s'offrir du repos ?
Du repos, oui... mais de qualité !
Vous l'avez compris, vous aurez besoin de phases de repos et de récupération pour progresser. Mais le repos, c'est quoi ? Les phases de repos sont bien sûr à adapter à votre capacité du moment, mais le repos n'est pas toujours synonyme de "être allongé sans aucune stimulation".
Voici les 7 formes de repos selon le Dr. Saundra Dalton-Smith :
- Physique : sommeil, sieste, étirements doux, yoga, massages.
- Mental : faire des pauses (notamment d’écrans), méditation guidée, détente cognitive.
- Sensoriel : fermer les yeux, s’isoler du bruit, se mettre au frais. Pour les personnes en état sévère, un masque pour les yeux et un casque anti-bruit peuvent aider à reposer les sens.
- Créatif : se connecter à la nature et à la beauté du monde, écouter de la musique, pratiquer une activité ludique ou artistique.
- Émotionnel : exprimer ses émotions, écrire dans un journal, se confier à un proche de confiance.
- Social : prendre du temps seul, ou s’entourer de personnes sécurisantes avec lesquelles vous pouvez être 100 % vous-mêmes.
- Spirituel : se connecter à quelque chose de plus grand et lâcher prise. Pour moi, cela signifiait simplement faire confiance à l’Univers. Je ne crois pas en Dieu, mais j’ai découvert que j’avais foi en la nature.
Bonus : le changement d'activité
Parfois, changer d’activité peut suffire à vous réguler, sans forcément passer par la case “repos total”. Par exemple : après avoir passé du temps sur les écrans, aller respirer dehors peut me redonner plus d'énergie que m’allonger sur mon lit. Bien entendu, l'idée n'est pas de vous forcer, mais d'interroger votre corps sur ce dont il a besoin à un instant donné.
Note : Quand j'étais en état très sévère, j'avais besoin de passer 95% de mon temps à me reposer sans stimulation. Mais même dans cet état, apaiser mon dialogue intérieur et me concentrer sur de petites choses m'a beaucoup aidée. Quelques idées dans ce post !
Conclusion
Depuis que j'applique cette méthode de pacing doux, mes périodes symptomatiques sont de plus en plus espacées et de moins en moins intenses. Ma capacité globale s'améliore. Ce qui compte pour moi, ce n’est plus d’éviter absolument mes symptômes, mais d’apprendre à écouter mes besoins.
Le pacing reste une pratique difficile (pour moi aussi !). Nous sommes nombreux à devoir désapprendre des réflexes de toute une vie, car la société nous encourage à toujours dépasser nos limites... Mais parfois, il faut accepter de ralentir un peu pour se donner une chance d'aller mieux.
Note : La sévérité de mon état m'a conduit à perdre mon travail, et je n'ai pas d'enfants. Dans la difficulté, j'ai eu de la chance : la maladie m'a imposé de me concentrer à 100% sur moi et mes besoins.
Si vous avez des contraintes, redoublez d'indulgence envers vous-même et demandez de l'aide. Vous méritez d'avoir le temps de prendre soin de vous.